La hanche est l’articulation qui luxe le plus fréquemment. Cette affection articulaire résulte souvent d’un traumatisme violent. Le diagnostic d’une luxation coxo-fémorale est simple, et les possibilités thérapeutiques sont nombreuses.

Le but de cette synthèse est de proposer un arbre décisionnel qui aidera le praticien à choisir le traitement le plus adapté à chaque cas, en fonction de ses particularités.

Les luxations coxo-fémorales résultent d’accident de la voie publique dans 60 % des cas. Dans le cas d’un traumatisme, il convient alors d’effectuer un examen clinique rigoureux. Cela permet d’écarter toute autre affection. Lorsqu’un choc au niveau du train postérieur est suspecté, il faut rechercher en particulier des lésions vasculaires, périnéales, abdominales (traumatisme de la vessie, de l’urètre, du côlon…). On effectue d’abord un examen neurologique complet du membre postérieur. L’examen orthopédique intervient après. Lors de luxation coxo-fémorale, il s’agit essentiellement d’écarter des lésions de type MNP (Moto-Neurone Périphérique) en évaluant l’intégrité des dermatomes.

Examen orthopédique

Examen à distance

Lors d’une luxation coxo-fémorale, l’animal présente une boiterie sans appui du côté de la luxation et une position du membre caractéristique :

  • en adduction et rotation externe dans le cas le plus fréquent d’une luxation crânio-dorsale (90 % des luxations de la hanche)
  • en abduction lors de luxation caudo-ventrale2. Toutefois, dans ce dernier cas, la tête fémorale se coince dans le foramen obturé, et l’articulation paraît alors relativement stable. La douleur peut alors être modérée, et l’animal peut même présenter une boiterie avec appui (chat principalement).

Examen rapproché

L’inspection de la peau peut révéler la présence d’éventuels traumatismes. La palpation et la palpation pression mettent en évidence une douleur vive, et une modification des reliefs osseux. En effet, la crête iliaque, le sommet du grand trochanter et le sommet de la tubérosité ischiatique forment normalement un triangle (fig. 1) qui est transformé en:

  • Une ligne droite dans le cas d’une luxation crâniodorsale (fig. 2.)
  • Un triangle plus large dans le cas d’une luxation ventrale

Le sommet de la crête iliaque, le grand trochanter et la tubérosité ischiatique forment normalement un triangle
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os de la hanche
La majorité des luxations est crânio-dorsale : la tête fémorale se coince sur la branche montante de l’ilium, en raison des forces exercées par les muscles fessiers. La pointe dorsale de l’aile de l’ilium, le grand trochanter et la pointe de l’ischium forment alors une ligne.

 

La mobilisation de l’articulation révèle une perte d’amplitude des mouvements et éventuellement des crépitations. De plus, dans le cas d’une luxation crânio-dorsale, le membre atteint parait plus court lorsque l’animal est soulevé ou que ses deux postérieurs sont mis en extension. Si l’examen orthopédique permet de suspecter une luxation coxo-fémorale, il doit impérativement être complété par un examen radiologique.

Examens complémentaires

L’examen complémentaire de choix est la radiographie, nécessaire et suffisante pour confirmer le diagnostic. Elle est réalisée de préférence sous anesthésie générale. Deux vues du bassin, de face et de profil, sont systématiquement réalisées :

  • Une incidence latéro-latérale du bassin permet de définir le type de luxation : crânio-dorsale, ventrale ou caudo-dorsale (Fig. 3).
  • Une incidence ventro-dorsale a pour but de mettre en évidence d’éventuelles fractures de la tête et du col du fémur ou la présence d’arthrose. La présence de telles lésions imposent un traitement chirurgical (Fig.4).
    Une incidence oblique peut venir compléter la recherche de fractures du cotyle.

Le diagnostic de la luxation coxo-fémorale établi, il faut proposer un traitement adapté. Les solutions sont nombreuses mais l’anesthésie générale n’est envisagée que si l’état de l’animal, souvent polytraumatisé, le permet.

Radiographie de profil chez un chien, révélant une luxation crânio-dorsale de la hanche gauche
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Radiographie de profil chez un chien, révélant une luxation crânio-dorsale de la hanche gauche
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Traitement

Réduction manuelle

La réduction manuelle de la luxation coxo-fémorale est le traitement à proposer en première intention. Cependant certaines études rapportent un taux d’échec de 35 à 53 % chez le chien3, 60 % chez le chat4. Elle reste contre-indiquée dans certains cas :

  • La luxation est ancienne (5 à 10 jours selon les études) : plus le traumatisme est ancien, plus la cavité acétabulaire se comble (hématome puis tissu de cicatrisation)3.
  • Il y a présence de lésions cartilagineuses et/ou osseuses (fractures, avulsions…)
  • Une atteinte bilatérale des hanches est présente (luxation ou autre affection comme une dysplasie grave) : l’appui sur le membre controlatéral doit être correct.

Le traitement est alors chirurgical.

La réduction manuelle s’effectue sous anesthésie générale (la relaxation musculaire doit être optimale). L’animal est placé en décubitus latéral, le membre affecté au dessus. Un contre appui est indispensable (aide, lien matelassé)2:

Maintenir fermement le membre et réaliser une rotation externe, afin de placer la rotule au zénith. Cette manœuvre permet de dégager la tête fémorale de la grande échancrure sciatique (Fig. 5).

Exercer une traction ventrale du membre et une pression sur le grand trochanter. Une rotation interne permet de remettre la tête fémorale en place dans le cotyle (Fig. 6).

La hanche se manipule en flexion, en extension, et en abduction afin de tester sa stabilité. En cas d’instabilité, il faut envisager un traitement chirurgical.

Si la réduction est stable, on applique un bandage d’Ehmer sur le membre en légère flexion pendant environ 15 jours. Cela permettra d’empêcher l’appui et de maintenir la hanche en abduction et rotation interne. Ce laps de temps est nécessaire à la cicatrisation des tissus mous qui permettent le maintien de la réduction. Au-delà, le risque d’ankylose est important.

Un cliché radiographique vient confirmer la réduction.

Pour dégager la tête fémorale, maintenir fermement le membre et exercer une rotation externe. La rotule vient ainsi se placer dorsalement.
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Tirer le membre ventralement et exercer une pression sur le grand trochanter. Exercer une rotation interne pour replacer la tête fémorale dans le cotyle.
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L’animal doit restreindre son activité pendant 4 à 6 semaines après le retrait du pansement. Une récidive peut toutefois avoir lieu, auquel cas il faudra avoir recours à la chirurgie.

Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical permet à la fois de stabiliser la hanche et d’éliminer les interpositions de la capsule, de l’hématome ou d’éléments fracturés provenant du ligament rond. Le but est de retrouver une conformation et une fonction de l’articulation normales.

Un grand nombre de techniques ont été décrites pour stabiliser la hanche après réduction : capsulorrhaphie, transposition du grand trochanter, prothèse capsulaire (Fig.7 et 8) ou acétabulaire, brochage transtrochantérique ou transarticulaire, prothèse du ligament rond, exérèse tête-col, prothèse totale de hanche… 5.

Prothèse capsulaire sur la hanche gauche d’un chien (incidences de face et de profil) (CHV des Cordeliers).
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la capsulorrhaphie

Dans la majorité des cas, la capsulorrhaphie seule est suffisante. Une apposition des muscles vaste latéral ou fessier profond peut venir la compléter. On conseille la mise en place d’une prothèse capsulaire lorsqu’il y a atteinte à l’intégrité de la capsule articulaire et des muscles fessiers. En cas de luxations récurrentes, d’échec des méthodes de réduction à foyer fermé et ouvert, de fractures de la tête fémorale non reconstructibles, des techniques de prothèse totale de la hanche ou d’excision arthroplastie sont envisageables (Fig. 9). Après la chirurgie, un pansement d’Ehmer contient la hanche réduite pendant 7 à 10 jours. L’animal devra restreindre son activité pendant les quelques jours qui suivent le retrait du pansement.

Luxation coxo-fémorale récidivante chez un chien traitée par prothèse totale de hanche.
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Le traitement conservatif semble suffisant et acceptable chez les chats et les chiens de petite taille. Cependant, une boiterie reste présente dans 70 % des cas chez le chat4.

Il est préférable de toujours proposer une alternative chirurgicale autre que l’excision-arthroplastie. Cette dernière permet une gestion relativement satisfaisante de la douleur, mais une boiterie subsiste dans la majorité des cas. Cet acte n’est à réaliser que lorsque toutes les autres options chirurgicales ont échoué.

Arbre décisionnel lors de luxation coxo-fémorale chez un carnivore domestique.

Bibliographie

  1. Manley PA. The hip joint. In: Slatter D. Textbook of small animal surgery. WB Saunders Philadelphia 1993: 1786-1805
  2. Harasen G. Coxofemoral luxations Part 1: diagnosis and closed reduction, Can Vet J 2005 Apr; 46 (4): 368-70.
  3. Basher AWP, et al. Coxofemoral luxation in the dog and cat. Vet Surg 15; 356, 1986.
  4. Perez-Aparicio FJ and Fjeld TO. Coxofemoral luxations in cats. J Small Anim Pract 34; 345-349. 1993.
  5. Harasen G. Coxofemoral luxations Part 2: surgical options, Can Vet J 2005 Jun ; 46 (6) : 546-7.

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