Un chien Jack Russell de 5 ans est présenté à la consultation pour une douleur de l’œil gauche évoluant depuis 5 jours. À l’examen direct un ulcère épithélial intéressant 30% de la surface cornéenne, à tendance centrale et inférieure est mis en évidence par la fluorescéine. L’œil est très douloureux : blépharospasme, chémosis, epiphora marqué.

Traitement

Un traitement NAC+Tévémyxine avait été prescrit par un premier vétérinaire, dans le sens ou cet ulcère semble d’origine traumatique, l’usage d’anticollagénases n’est pas toujours justifié.

Un traitement à base d’agents de régénération matricielle (OTR4120® – Clerapliq® laboratoire TVM) est proposé à la dose d’une goutte tous les 2 jours pendant 10 jours.

Il est disponible depuis Avril 2012, il est tout indiqué dans le cas d’ulcères étendus répondant mal aux traitements habituels et ayant un caractère « atone »

  • pas de néovascularisation
  • ulcère central
  • lenteur de la cicatrisation

Le traitement initial NAC+Tévémyxine est maintenu.

Le chien contrôlé à J2 :

  • l’œil est bien ouvert
  • le chémosis est dissipé
  • la surface de l’ulcère a nettement diminué.

À J8 le résultat est parfait, le chien est guéri.

Action du RGTA sur la cicatrisation cornéenne

Les altérations cornéennes récalcitrantes aux traitements usuels sont observées dans de nombreuses pathologies de la surface oculaire d’étiologie différentes, comme les traumatismes physiques ou chimiques, les syndromes secs oculaires et les kératites auto-immunes.
Toutes ces pathologies aboutissent à une altération de la surface oculaire et du film lacrymal avec perte de ses propriétés protectrices et libération de médiateurs inflammatoires.
L’atteinte touche de façon variable les différentes couches de la cornée selon l’étiologie, la sévérité et la durée de l’agression, ce qui peut aboutir à des réactions fibrotiques cicatricielles avec opacité cornéenne permanente.

Actuellement, les traitements usuels de ces altérations de la surface oculaire sont représentés par les vitamines, les inhibiteurs des collagénases, les anti-inflammatoires et les substituts lacrymaux. Dans les cas sévères, on peut avoir recours à la ciclosporine, au sérum autologue ou au greffes conjonctivales pédiculées, de biomatériaux voire de membrane amniotique.

Les larmes contiennent plusieurs facteurs de croissance biologiquement actifs qui jouent différents rôles dans la prolifération, la migration, la différenciation et la survie cellulaires ainsi que dans le maintien de la transparence cornéenne. Un déficit ou un déséquilibre de ces facteurs est incriminé dans plusieurs pathologies cornéennes, surtout celles affectant la cicatrisation cornéenne.
Certains de ces facteurs de croissance tels que l’epidermal growth factor (EGF), le nerve growth factor (NGF) et l’insulin-like growth factor (IGF) ainsi que des protéines matricielles comme la fibronectine ont montré leur efficacité sur des cultures cellulaires in vivo et sur des modèles animaux de lésions cornéennes.

Des études récentes montrent aussi des résultats encourageants de l’utilisation du NGF chez l’homme. Les agents de régénération (RGTAs pour ReGenerating Agents) sont des biopolymères conçus pour mimer les propriétés de protection des héparanes sulfates vis-à-vis des protéines matricielles et des facteurs de croissance.

Les premiers membres de la famille des RGTAs sont des dextrans substitués par des groupements carboxymethyl, sulfate et hydrophobes, le dextran étant parfaitement bien toléré et connu dans la pharmacopée. Ces RGTAs protègent différents facteurs de croissance et facteurs angiogéniques qui ont comme ligand l’héparine tels que les Fibroblast Growth Factors 1 et 2 (FGF-1 et FGF-2), le Transforming Growth Factor beta1 (TGFbêta-1), ou le Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF), mais en réalité la quasi-totalité des facteurs de croissance, cytokines ou chimiokines se lient à l’héparine et aux héparanes sulfates.

Ainsi, le TGFbêta, régule la synthèse du collagène et des glycosaminoglycanes et contribue à la formation de la matrice extracellulaire. Sa protection par le RGTA démontrée in vitro ne peut que favoriser cette activité in vivo. Ces propriétés expliqueraient que lors de lésions tissulaires, les RGTAs remplaceraient les héparanes sulfates détruits en se fixant sur les protéines matricielles et résisteraient aux enzymes du remodelage car ils ne sont pas détruits par les héparanases. La fixation des RGTAs aux protéines matricielles permettrait aussi aux facteurs de croissance et aux cytokines d’agir sur le site lésé.

Le RGTA favoriserait ainsi un retour à une organisation matricielle proche de l’état physiologique.

Par ces doubles fixations et protections, les RGTAs permettraient de reconstituer le microenvironnement et le bon positionnement dans l’espace et le temps des facteurs secrétés par les cellules impliquées dans le processus de régénération. Comme l’héparine, l’héparane sulfate et ses analogues, le RGTA inhibe in vitro des enzymes protéolytiques telles les élastases, les plasmines, la cathepsine G.

Cette propriété pourrait renforcer cet aspect de protection in vivo de la matrice. Ces hypothèses ont été confortées par de nombreuses études in vivo sur des modèles animaux qui ont démontré que l’administration locale ou systémique de RGTA améliore la vitesse et la qualité de la cicatrisation tissulaire. Ces études ont porté sur des animaux ayant des défauts osseux, des lésions du tractus digestif, des lésions musculaires, gingivales et des ulcérations cutanées, buccales ou cornéennes.

Afin d’entreprendre des études chez l’homme, nous avons identifié le RGTA OTR4120, à la fois pour son efficacité dans des modèles précliniques comme agent de régénération tissulaire et comme protecteur des protéines matricielles et des facteurs de croissance, et pour son absence de toxicité prévisible.
En effet, OTR4120 ne possède pas de substitutions potentiellement toxiques comme le carcinogène benzylamine ni de traces résiduelles de produits de classe 3 interdits comme la pyridine utilisée traditionnellement dans les étapes de sulfatation. Ainsi l’OTR4120 accélère la cicatrisation des ulcères buccaux dans un modèle de mucites chimio-induites chez le hamster et assure la protection de la lame basale des épithélia.

Chez le lapin, dans un modèle d’ulcération profonde à la soude, altérant la cornée jusqu’aux deux tiers de son épaisseur, une seule goutte d’une solution d’OTR4120 avait suffi pour récupérer en une semaine une cornée presque normale à l’histologie. La cornée traitée avec une solution physiologique était encore très déstructurée et 3 fois plus épaisse et enflammée que celle traitée avec le RGTA OTR4120. Il avait été également observé une nette différence de sensibilité douloureuse, l’œil traité restant ouvert, alors que l’œil non traité restait très sensible et la paupière fermée.

Dans ces modèles, le RGTA OTR4120 agirait comme protecteur tissulaire favorisant le processus cicatriciel en préservant les facteurs et cytokines endogènes. Ces résultats ont motivé cette première étude pilote compassionnelle chez l’homme portant sur des volontaires atteints d’ulcères de cornée et de dystrophies cornéennes sévères douloureuses résistant aux traitements usuels.

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