Les infections du tractus urinaire sont la deuxième des causes infectieuses qui touchent les animaux de compagnie.
L’analyse des urines est la première étape du diagnostic d’une ITU. Sa réalisation systématique permet d’éviter d’éliminer les faux positifs diagnostiqués sur les seuls signes cliniques et les ITU méconnues qui le sont le plus souvent parce qu’elles sont asymptomatiques.

Toutes les étapes sont développées depuis le prélèvement jusqu’à la lecture du sédiment urinaire en détaillant les résultats donnés par l’évaluation physique, chimique et cytobactériologique de l’analyse des urines ce qui permet de suspecter, de confirmer une ITU et d’entrevoir la localisation et les causes favorisantes d’une infection.

L’infection du tractus urinaire est la colonisation microbienne d’une portion quelconque du système urinaire qui est normalement stérile.
Les infections du tractus urinaire apparaissent comme la conjonction de la virulence d’une ou plusieurs souches microbiennes et de causes favorisantes permettant le développement des souches considérées.
Ces causes favorisantes entraînent une défaillance des défenses de l’appareil urinaire.
Il s’agit par exemple de modifications anatomiques, histologiques, fonctionnelles du tractus urinaire ou physico-chimiques de l’urine.

Les infections du tractus urinaire sont la deuxième des causes infectieuses qui touchent les animaux de compagnie après les affections dermatologiques.
On considère que 14% des chiens et 1 à 3% des chats font au moins une infection urinaire dans leur vie.
C’est ainsi qu’à partir de l’autopsie de 237 chiens la prévalence des infections du tractus urinaire a été de 6 % chez les mâles et de 27% chez les femelles.
La plupart des animaux infectés étaient des animaux non castrés.

En pratique courante, l’établissement du diagnostic souffre de deux types d’erreurs :

  1. Les erreurs dues à des faux positifs.
    Elles sont dues à des diagnostics établis sur les seuls signes cliniques et sur une mauvaise interprétation des signes biologiques.
  2. Les ITU méconnues.
    Ce type d’erreur est dû à la mauvaise analyse des données physico-chimique urinaire mais surtout à la réalisation non systématique de l’analyse des urines.

La systématisation des prélèvements augmente considérablement le nombre des cas diagnostiqués.

Nous allons, tout au long de la réalisation d’un examen d’urine, donner les éléments qui permettent de suspecter, de confirmer, de localiser le site infectieux puis de déterminer autant que faire ce peut les causes favorisantes.

Plan de l’article

Quelles sont les étapes du diagnostic ?

Prélèvement et conservation des urines

Caractères physiques des urines

Caractères chimiques des urines

Sédiment urinaire

 

Quelles sont les étapes du diagnostic ?

Ces étapes suivent la méthodologie classique d’une analyse des urines depuis le prélèvement jusqu’à la lecture du sédiment urinaire.

La réalisation d’une analyse d’urine

Son but est d’analyser les caractères physiques, chimiques, cytologiques et microbiologiques des urines. Il passe par un certain nombre d’étapes qui sont :

  • Le prélèvement des urines
  • L’examen physique
  • La réalisation d’une bandelette réactive urinaire et la détermination de la présence entre autres de leucocytes, de sang, des protéines, du glucose et de la valeur du pH
  • La recherche de la densité urinaire par réfractométrie
  • La recherche de la protéinurie par la réaction de Heller
  • La réalisation du sédiment urinaire

L’utilisation diagnostique de l’analyse des urines dans les ITU

  1. Si l’identification des micro-organismes dans les urines est seule déterminante dans le diagnostic des ITU, elle est la dernière étape de l’examen des urines.
    La conduite de l’examen ne suit pas la logique du diagnostic, à savoir suspecter, confirmer, localiser et déterminer les causes favorisantes.
    La conduite de l’examen obéit à l’enchaînement de gestes effectués systématiquement en partant des choses les plus simples et en allant vers les choses les plus compliquées dans une logique d’efficacité et de moindre coût.
  2. D’autre part l’examen urinaire ne peut à lui tout seul prétendre répondre à toutes les questions du diagnostic.

Les autres examens complémentaires (bactériologie des urines, biologie sérique, imagerie, histologie) sont le plus souvent indispensables à l’établissement complet de diagnostic..

 

Prélèvement et conservation des urines

Les urines doivent être prélevées par cystocentèse ou par cathétérisme urétral en utilisant une méthode stricte (sondes stériles, nettoyage des voies urinaires externes).

En effet les bactéries sont physiologiquement présentes dans les parties distales de l’urètre et des voies génitales (vagin, prépuce).

La présence de bactéries dans l’urine peut provenir d’une contamination à partir des parties les plus distales de l’arbre urinaire, ou après le prélèvement lors de mauvaise conservation de l’urine.

C’est pour la cytologie et la bactériologie que la distorsion entre les différentes méthodes de prélèvements est la plus importante.

L’urine étant un bon milieu de culture, on considère qu’à température ambiante le nombre de bactéries double toutes les 30 minutes (20 à 45 mn).

Parfois à l’inverse, certaines bactéries fragiles disparaissent après 1 heure.

Il est donc recommandé de mettre en culture dans les 30 mn suivant le prélèvement.

La réfrigération permet pendant 6 heures de stabiliser la flore, sans multiplication significative; toutefois les germes les plus fragiles peuvent être tués.

Des milieux de transport permettent une conservation de 72 heures (BD urine C et S transport Kit).

Au moment du prélèvement, l’opérateur a conscience de la qualité de son prélèvement, des erreurs qu’il a pu commettre et de la difficulté du prélèvement (prélèvement dans une anse intestinale, prélèvement d’un liquide d’épanchement abdominal, hémorragie contaminant le prélèvement, etc.).

La réalisation depuis 15 ans de prélèvements urinaires par cystocentèse a modifié nos résultats.

Nous avons aujourd’hui des échantillons d’urine où, dans la grande majorité des cas, une seule espèce bactérienne est isolée.

75% des infections urinaires sont provoquées par une seule espèce bactérienne, 18% par deux espèces et 6% par trois espèces.

 

Caractères physiques des urines

Turbidité

Bien que la turbidité des urines augmente pour des urines concentrées et pour des modifications in vitro de température et de pH, elle indique le plus souvent la suspension de particules solides dans les urines.

Il peut s’agir de cristaux, de cellules (hématies, leucocytes, cellules épithéliales, spermatozoïdes), de micro-organismes (bacilles, coques, hyphes, parasites), de cylindres, de la mucine et des gouttelettes de lipides.

Les cristaux sont des causes fréquentes de turbidité.

Leur solubilité est influencée par la température (température corporelle, température de la pièce de travail, réfrigération).

Lors de la formation de cristaux in vitro, par abaissement de la température des urines, la dissolution peut être réalisée avant l’examen au microscope après un réchauffement à 38°.

Couleur

Les urines sont normalement transparentes, jaune clair, jaune ou ambrées. La couleur jaune provient à la fois d’un urochrome et d’urobiline. Un certain nombre de couleurs anormales peuvent être le signe d’une infection urinaire :

 

bleu lors de certaines infections à bacille pyocyanique chez l’homme

 

rouge (sang)

 

blanc lactescent (pus et hyphes).

Odeur

Certaines odeurs peuvent indiquer des infections urinaires, en particulier :

  • odeur d’ammoniac (NH3) sur des urines fraîches; les bactéries produisant une uréase transforment l’urée en ammoniac. L’ammoniaque (NH4+) et l’urée sont inodores. Les bactéries peuvent être des contaminants.
  • odeur putride lors de dégradation de protéines par des bactéries (grosses hématuries et caillots de sang)
  • odeur caractéristique d’hydrogène sulfuré parfois tenace lors d’ITU par le Proteus.
  • odeur de cétone pouvant être la marque d’un diabète acidocétosique fréquemment responsables d’infections du tractus urinaire.

Densité

La densité urinaire doit être réalisée au réfractomètre.
En effet, la mesure de la dU par la bandelette réactive urinaire est basée sur la concentration ionique de l’urine; c’est-à-dire que des molécules non ionisées (urée, glucose) ou peu ionisées (protéines) ne sont pas prises en compte pour la détermination de la dU.

Un abaissement significatif de la densité urinaire <1015 traduit un certain nombre d’affections rénales ou extra-rénales qui peuvent s’accompagner d’ITU.
Ainsi, lors de maladie de Cushing, 40 à 50% des malades à la première consultation ont une ITU.

Les pyomètres s’accompagnent aussi fréquemment d’une ITU. Des dilutions urinaires excessives peuvent traduire des ITU hautes (pyélonéphrite chronique, néphrite interstitielle chronique).
Toutefois des dU élevées (>1035) accompagnent pyélonéphrites et infection rénale dès lors qu’un seul des deux reins est atteint.

Lors de dU basses <1005, il y a une impossibilité, du fait de la dilution des urines, de voir les bactéries lors de la réalisation d’un sédiment urinaire.
Il faut donc systématiquement (en particulier lors de PuPd) effectuer un examen bactériologique et une mise en culture des urines.

pH urinaire

Bien que les ITU provoquées par des bactéries possédant une uréase (essentiellement Staphylocoques et Proteus) s’accompagnent de la production d’une urine alcaline, la présence d’une urine alcaline n’est jamais synonyme d’ITU et nombre d’ITU sont associées à des urines acides ou neutres.

Quelques règles simples et pratiques peuvent toutefois être édictées :

  1. En présence d’une urine acide généralement un coque est un Entérocoque, et un bacille est un Colibacille.
  2. En présence d’une urine basique un coque est généralement un Staphylocoque, et un bacille est un Proteus.

Ils viennent parfois provoquer la formation de lithiases de phosphates ammoniaco-magnésiens (struvites) qui compliquent les ITU.

 

Caractères chimiques des urines

Glucose

La présence de glucose dans les urines peut être une indication d’éventuelle infection du tractus urinaire.

  • En présence d’une glycémie normale, la glucosurie indique un défaut de réabsorption tubulaire : maladie rénale d’origine infectieuse (pyélonéphrite, néphrite interstitielle) ou néphrose tubulaire (localisation tubulo-interstitielle de la substance amyloïde dans 25% des cas).
  • En présence d’une glycémie élevée, la glucosurie peut être associée à des ITU rencontrées lors de diabète pancréatique et de maladie de Cushing.

Lors de maladie de Cushing, 5 à 10% des malades ont une hyperglycémie.

Rappelons que la cause principale de survenue d’une acido-cétose chez un diabétique est l’infection et en particulier l’ITU.
La densité urinaire est un élément de discrimination entre les deux affections.
Elle est en général inférieure à 1015 dans la maladie de Cushing, supérieure lors de diabète.

L’association immunodépression, distension de la vessie par l’hypercortisolémie et glucosurie induit la possibilité d’ITU asymptomatique.

Il peut être observé des candidoses vésicales, résultant des conditions particulières de la maladie.

Protéines

  • L’association d’un sédiment urinaire et d’une protéinurie traduit le plus souvent l’origine post-glomérulaire de cette dernière (processus inflammatoire, néoplasique, ischémique ou traumatique).
  • Lors de protéinurie pré-glomérulaire en particulier lors de paraprotéinurie (immunoglobulines complètes, fragments d’immunoglobulines, macroglobulines, cryoglobulines), il existe une immunodépression qui se traduit souvent par des ITU qui sont constituées de bactériuries pures sans leucocyturies.
  • Un certain nombre de protéinuries glomérulaires sont associées à des ITU.

Dans les amyloses glomérulaires, 40% des malades ont des ITU le plus souvent asymptomatiques. La présence des ITU peut s’expliquer par la diminution de résistance du parenchyme rénal dont le tissu noble est remplacé progressivement par de la substance amyloïde.

Les ITU sont souvent l’élément révélateur d’une lésion rénale glomérulaire chronique évoluant à la limite d’une insuffisance rénale. L’ITU surajoutée (par exemple lors d’un ensemencement bactérien au cours d’un cathétérisme vésical) va aggraver les lésions et révéler l’insuffisance rénale.

Lors de maladie de Cushing, la présence d’une protéinurie indique soit une hyperperfusion rénale soit une lésion glomérulaire. La fréquence des glomérulopathies dans l’hypercorticisme est supérieure à 50%.

Lors de maladie de Cushing, l’immunodépression conduit fréquemment à l’installation d’une pyélonéphrite. D’autre part dans la maladie de Cushing, 5% des malades ont des lithiases dues à des cristaux de phosphates ou d’oxalate de calcium.

Les glucocorticoïdes augmentent la calciurie, ce qui aboutit à la formation de calculs.

Nitrites

En médecine humaine, l’utilisation de la plage de nitrites est un test significativement discriminant pour la détection des ITU.
Chez le chien et le chat, la présence d’acide ascorbique, métabolite physiologique rencontré dans les urines de ces espèces inhibe la réduction des nitrates en nitrites.
Toutefois cette réaction est observée dans environ 10% des ITU.

Il s’agit le plus souvent de staphylocoques (observation personnelle).

Pigments avec réaction péroxydasique positive

Une réaction peroxydasique positive indique l’excrétion urinaire d’un pigment endogène (myoglobine ou hémoglobine).
L’hémoglobinurie traduit soit la présence d’hémoglobine libre ou d’hématies.
Les urines diluées ou basiques sont responsables de la destruction des hématies.

Une hématurie traduit un saignement urinaire.

Estérases leucocytaires

Lors de l’utilisation des bandelettes réactives, seules les leucocyturies anormales sont signalées par la variation colorée.
La réaction est positive pour 10 leucocytes/ml, seuil qui a été fixé pour l’homme.
Sa valeur prédictive positive est de 40%, sa valeur prédictive négative est supérieure à 90%.

Il existe pour cette méthode certains faux négatifs lors de pH trop acide, de forte protéinurie (>1g/l), de forte glucosurie et de présence d’acide ascorbique.
À noter que pour le chat la réaction leucocytes n’est absolument pas utilisable, la plage donnant dans tous les cas une réaction positive.

Cette positivité dans cette espèce est due à la présence d’une estérase urinaire.

Sédiment urinaire

La réalisation du sédiment urinaire est un élément déterminant dans la suspicion d’une ITU par la mise en évidence soit de cellules en quantité anormale (leucocytes, hématies) soit de cylindres, ou dans le diagnostic par la mise en évidence des microbes.

Le sédiment sera réalisé lors de turbidité des urines, lors de couleur ou d’odeur anormale, de protéinurie, de glucosurie, de réaction peroxydasique positive, estérasique positive, de nitriturie, ou lors de densité urinaire basse (<1010).

Leucocytes

La leucocyturie physiologique chez le chien et le chat est de 0 à 3 cellules pour un sédiment de 5 ml par champ microscopique (grossissement X400) pour un prélèvement par cystocentèse, de 0 à 8 cellules pour un prélèvement par cathétérisme ou par miction spontanée.

La leucocyturie n’est en aucune façon la preuve d’une ITU. Elle signe une inflammation aiguë du tractus urinaire qui peut être induite par d’autres mécanismes tels que lithiase, traumatisme, néoplasie, etc.

L’association leucocyturie et microburie significatives est une pyurie.

Hématies

La présence d’une hématurie est révélée par la bandelette réactive urinaire. Pour l’homme, elle est positive pour des hématuries non physiologiques (plus de 5 à 10 hématies/champ et pour un grossissement X400 soit 5000 à 10000 hématies/ml).

L’hématurie peut traduire une ITU. Elle peut aussi signifier un saignement d’une autre origine provoqué soit par un trouble de la coagulation ou une maladie générale (trouble de l’hémostase primaire, plasmatique, infarctus rénal, microthrombi lors de CIVD, leptospirose, congestion cardiaque passive), soit par une lésion locale (traumatisme, tumeur, lithiase, parasite).

Micro-organismes

Les micro-organismes (coques, bacilles, hyphes mycéliens) sont assez faciles à voir lors de concentration suffisante et après coloration.
La limite de visibilité est une concentration de 10 000 germes/mL pour les bacilles et de 100 000 germes/mL pour les coccies.

Les techniques de fixation et de coloration (MGG, bleu de méthylène et Gram) permettent une identification plus aisée et quasiment absolue.
Une exception est représentée par des urines de densité faible (dU <1005) où la concentration en bactéries est très faible (cas des pyélonéphrites chroniques, des maladies de Cushing), et par les ITU dues à des germes non identifiables, comme les mycoplasmes, par les méthodes directes.

La microburie existe assez fréquemment sans leucocyturie, c’est-à-dire sans signe d’inflammation. Il s’agit d’ITU asymptomatique.
Elles se rencontrent lors d’immunodépression (maladie de Cushing, gammapathie monoclonale, animaux âgés).

Cristaux

Contrairement à ce qu’il est souvent admis, les cristaux n’ont pas de signification particulière lors d’ITU.
Tel est le cas des cristaux de struvite présents lors d’ITU ou en son absence.

Tous les types cristallins sont souvent accompagnés d’ITU.
Leur présence est une gène à l’identification des bactéries.

Cylindres

L’observation de cylindres leucocytaires, hématiques avec des bactéries indique l’origine tubulaire de l’infection.
Les cylindres leucocytaires dégénèrent et se transforment en cylindres granuleux.

L’absence de cylindre n’exclut pas une lésion rénale.

Cellules anormales

Il est extrêmement difficile de faire la diagnose entre une cellule tumorale et une cellule fortement dysplasique à la suite d’une inflammation.

Le diagnostic cytologique est le plus souvent bien réalisé par un anatomo-pathologiste.

Les cancer du tractus urinaire sont parfois accompagnés d’ITU.

À noter en plus de cette difficulté le fait que des cystites chroniques prennent des aspects tumoraux.

Conclusion

L’analyse des urines, première étape de d’identification d’une ITU, est fondamentale.
Ce simple examen bien conduit permet le plus souvent de suspecter, de confirmer une ITU et d’entrevoir les causes favorisantes de l’infection.
La réalisation systématique de l’analyse des urines augmente le recrutement des diagnostics d’ITU.

Auteur

Dr. Jean-Pierre Pagès,
Diplômé ECVIM
Clinique Vétérinaire de la Croix du Sud
45, route de Toulouse
31650 St Orens de Gameville

Mots clés

analyse des urines, infection du tractus urinaire, chien, chat

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